lundi 11 janvier 2016

Tauromachie

C'est mal dans ma tête comme dans un tambour. Que dis-je, des tambours, bours du Bronx. Ils bourrent mes synapses de bruits qui courent, courent de neurones en neurones. Panique et mon cerveau au bord du burn out. Mon mal se déplace, je le traque, mon mal qui enfle et contracte mes pensées dans un champ d'une gravité si intense qu'elles s'agglutinent les unes aux autres jusqu'à former un noyau dur comme des principes.

L'expert :
- Principe du trou noir. L'idée tourne sur elle même si vite qu'elle aspire toutes celles qu'elle rencontre dans sa danse de derviche. Elle les compacte, les condense jusqu'à la tumeur maligne, sa masse devient si lourde, son espace d'influence si large qu'elle emprisonne toute tentative lumineuse dans son carcan de logique sombre. Là où elle gravite, il n'y a plus d'espoir. Le monde s'enferme dans son propre vertige.

Mon noyau est donc tumeur, meurtri dans son humeur , cancer au front, au front de mes idées au front de ma passion, au seuil de ma nation. Mon cancer, mon quasar absorbe et convertit tout embryon de dissidence au rythme de mes peurs.

Le partisan:
- Les sordides en clique claquent leur langue dans des baisers pervers.

J'ai embrassé leurs lèvres, j'ai vu, je sens ce mal qui me comprime dans son étau. Front contre front, prendre ce taureau par ses cornes, front contre front : je suis toréador dans l'arène.

Le partisan :
-Mais dans les gradins un public conquis à la cause du bovin hurle : « à mort le toréador, à mort ».

César, où est César, où est sa couronne de lauriers, où est sa paix romaine ? Grâce César, grâce .

Le cri de la foule :
-Le taureau, le taureau, le taureau !

Le taureau est dans l’arène sous les bravos de la foule, le sable sous mes pas, moi en habit des Lumières, lui trop de cornes sur son front pour qu'y vienne une pensée simple, moi bien trop de pensées sombres pour que s'y loge la moindre simplicité.

L'expert :
- La psychologie du taureau se loge dans le front. Effilée elle est faite pour enfiler, encorner, étriper, éventrer, éventer du toréador.

Et ce soleil... qui me soumet, me force à m'agenouiller face à cet appareil de combat. Ce soleil sur mon front qui m'aveugle, complice de la bête noire de robe et noire pour s'interposer entre mes lumières et moi.

Le partisan:
- Un taureau, en robe sombre et crinière blonde qui ruissellerait d'une force bestiale, un taureau avec cette ondulation de la croupe dont je ne reconnais pas la virilité ?

C'est bien lui qui meugle dans des registres de voix bien trop hauts… avec des yeux bleus… des griffes affûtées sur les chairs qu'on lui tend ?

Le partisan :
-lui ou elle…

L'expert :
- Blonde femelle de la famille des panthères qui feule sur le sable des aficionados, exhorte les mains à tourner leur pouce vers le bas.

Qu'importe. Agiter ma cape, agiter mes idées, les jeter enflammées contre la bête, les agiter pour qu'elle voit le rouge de leur tenue, rouge que le rouge ou le noir contre son front de lionne.

L'expert :
- Le toréador adore les rêves fous avant la corrida et le front bas s'en retourne au combat armé de son rêve de victoire. Il terrassera la bête. D'un coup d'épée au front. Ce front qu'on ne voudrait pas national, retrouvera alors sa place en haut de notre tête et nous pourrons y reloger nos pensées.