lundi 15 septembre 2014

Labour ©

La peau remplie d'un vent qui la ride s'enfle d'écritures minuscules et mes rêves s'y perdent comme mes pas.
C'est la faute du laboureur !
Il y plante le soc de sa charrue. Méticuleusement il en fouille et retourne les moindres recoins.
Cette peau qui me protège se fatigue à renaître sans cesse griffée, ouverte, offerte à toute intempérie, se désole s'excuse de m'exposer à l'infatigable comptable des heures.
Je voudrais bien l'aider (il en va de ma vie) chasser d'un revers de la main la minute qui bourdonne à mon oreille, me pique et boit ma mémoire.


Que voulez-vous que je fasse ?
Je souris et il compte décompte les histoires d'amour et les malheurs aussi, mais j'ai moins de peine pour eux.
Bientôt les enfants de mes enfants pousseront, se rapprocheront de mon soleil jusqu'à me faire de l'ombre.

Approchez, approchez, vous qui me prolongez. Approchez,
buvez mon sang disait-il.
Mais je serai moins théâtral que lui.

Buvez mes histoires, mes secondes mes minutes, le moulin qui tourne dans mes veines, mes chansons, mes courses à bicyclette, en patins à roulettes.
Lapez l'enfant que je fus,
la blancheur du premier sein que mes yeux ont vu, le parfum de sa peau, vierge de toute écriture.
Mais déjà s'inscrivait le passage de mes doigts légers comme un souffle, pour ne pas détruire un rêve aussi fragile ;
son goût sur mes lèvres.
Labour de printemps.
Buvez buvez enfants à la source de mes souvenirs.
Je vous montrerai les trésors cachés qu'il n' a pas tranchés ni retournés de son soc.
Ma peau se couvre des vaguelettes de ce temps qui m'a été compté décompté poussées par un tic tac régulier.

Buvez buvez enfants, c'est la faute du laboureur,
il sème votre vie au fond de mon sillon.


©  texte propriété Joel Carayon

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